On citera en exemple un pays alors que celui-ci aura réussi un peu malgré lui. Ce pays, quel qu’il soit, aura probablement « pulled a Homer ».
Bien des commentateurs québécois se tapent sur la cuisse à chaque mauvaise nouvelle en provenance de la Suède. On les imagine facilement se faire des « high five » dans leur salle de nouvelles violant ainsi l’espace de quelques secondes la distanciation sociale (mais ce n’est pas grave, car depuis les émeutes de cet été on sait que le virus de circule pas lorsque la cause est bonne. Et à les écouter il semble qu’un mort à l’étranger c’est un mort de moins chez nous…
Souvenons-nous de la raison principale des mesures de distanciation sociale. Il ne s’agit pas d’éliminer le virus. Un virus avec un niveau de contagion plus bas aurait pu être éliminé ainsi, mais le virus causant Covid-19 à un taux de contagion trop élevé. Les mesure actuelle ne servent qu’à ralentir la contagion. Souvenez-vous des graphiques d’aplatissement de courbe qui circulaient beaucoup en début de pandémie.

On a beaucoup insisté à l’époque sur la première différence entre ces deux courbes. Les mesures d’atténuement réduisent le nombre de personne malade en même temps au sommet.
On a moins parlé de l’autre principale différence. Le sommet survient plus tard et la pandémie dure beaucoup plus longtemps. Au final de ces deux scénarios, sensiblement le même nombre de personnes auront été atteint par le virus La variation du nombre de morts dépend de la capacité maximale du système de santé d’hospitaliser les malades.
La Suède ayant une approche plus minimaliste que les autres pays, on s’attend à ce que les pics soient beaucoup plus prononcés, mais aussi plus rapides.
Prenons la deuxième vague en exemple. Au Canada, on constate que le nombre de décès repart en hausse autour du 1er octobre. Depuis, nos courbes de nouveaux cas et nouveau décès sont toujours en augmentation. Il y a une certaine stabilité depuis quelques jours au niveau des cas ce qui laisserait espérer que nous serions peut-être au sommet (on se croise les doigts). Prenons pour acquis que nous sommes au sommet pour les fins de l’exercice il y a donc eu autour de 90 jours de hausse avant d’atteindre le sommet.
Du côté de la Suède le nombre de décès augmenter autour du 20 octobre dernier et le sommet autour du 7 décembre. Donc environ 45 jours entre le début et le sommet. Le mouvement a donc été deux fois plus rapide au pays de Greta.
Si on compare maintenant l’amplitude des courbes. Au sommet canadien, nous en sommes à une moyenne sept jours de 127 décès par jour soit 4.98 par million d’habitant.
Du côté de la Suède, la plus haute moyenne 7 jours a été de 71 décès soit 9.81 par million. (C’est là que le chroniqueur moyen cesse son analyse et fait un « dab » de victoire).
L’affaire c’est que comme le mouvement de la courbe est plus rapide du côté de la Suède, le nombre de morts total dans la courbe se rapproche beaucoup de celle du Canada.
Si on prend l’hypothèse qu’une courbe prend la forme de deux triangles rectangle dos-à-dos (comme dans l’exemple ci-dessous). Et que le temps pour atteindre le sommet est égal au temps pour passer du sommet à virtuellement 0 (comme les modèles théoriques nous le montrent), on peut multiplier le nombre de jour par le nombre de décès quotidiens au sommet de la vague pour une estimation totale du nombre de décès de la deuxième vague. C’est un modèle très simpliste pour calculer, mais ça nous donne une idée de l’échelle de grandeur que l’on peut s’attendre à la fin des dites vagues.

Canada: 4.98 décès par million * 90 jours = 448 décès par million prévus
Suède: 9.81 décès par million * 45 jours = 441 décès par million prévus
Bref, il n’y a pas vraiment de différence entre les modèles canadiens et suédois au niveau du nombre de morts estimables durant la deuxième vague. La seule différence majeure se trouve dans le timing des décès. Ils sont plus rapides du côté suédois (mais commencent plus tardivement). Un chroniqueur qui compare début octobre se dit que la Suède fait mieux, s’il regarde début décembre il se dit que finalement la Suède c’est une catastrophe. Et on peut estimer que si ce même chroniqueur refait l’exercice en mars prochain il se dira que finalement les résultats ont été sensiblement les mêmes.
Avec des courbes qui risquent forts de représenter un nombre semblable de décès à terme, c’est le timing de la vaccination qui va laisser une illusion de performance d’un côté ou de l’autre. Imaginez un vaccin donné immédiatement à toute la population début octobre 2020. On crie au génie sur la gestion de crise suédoise. Le même vaccin donné début décembre? C’est la stratégie canadienne qui reçoit alors les éloges.
Bref, comme on ne pouvait savoir (et on ne le sait toujours pas) à quelle date la population sera assez vaccinée pour cesser la pandémie, le pays « gagnant » sera déterminé de manière assez aléatoire. On citera en exemple un pays alors que celui-ci aura réussi un peu malgré lui.
Ce pays, quel qu’il soit, aura probablement « pulled a Homer ».
