La super-ultra-méga pandémie des hyperboles

29 décembre 2020
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DICATURE sanitaire, TOURISTATAS, TYRAN du Québec, COVIDIOTS, TERRORISME, GÉNOCIDE Tous des mots très lourds de sens qui sont ces jours-ci utilisés à profusion par les différents commentateurs d’un côté ou de l’autre.

Bien que cette dérive langagière ne date pas de l’arrivée du coronavirus dans nos vies, le phénomène s’est littéralement emballé depuis un an. Mais avant de parler à proprement dire de cet emportement de l’année 2020, on a pu remarquer cet égarement du réel depuis une quinzaine d’années. En effet, les mots et l’analyse semblent avoir perdu leur sens depuis à la fois l’arrivée des médias sociaux qui ont eu l’effet bénéfique d’enlever le « red tape » de l’exclusivité de la parole à certaines voix autorisées à la fois dans les médias ainsi que dans les partis politiques.

On peut être pour ou contre cette démocratisation de l’expression. Il est clair par exemple que toutes les opinions ou analyses ne se valent pas. On peut aussi dire qu’il y a beaucoup de bruit et de distorsions qui rendent confuses les discussions. Mais nous devons aussi constater que dans le lot, nous pouvons découvrir quelquefois des perles de sagesse, de nouvelles façons plus libres de voir la société. Je suis convaincu par exemple que dans les dernières années vous avez découverts de nouveaux médias (traditionnels ou web) plus conformes à vos valeurs et dont les auteurs vous « parlent » davantage. Peut-être même que Ligne Ouverte en fait partie, mais ça… C’est un autre débat ?

Ces changements ne sont pas seulement arrivés dans le domaine des médias. Pensons à la musique ou auparavant un artiste devait absolument avoir la bénédiction d’une compagnie de disque établie, il y avait tout un système (certains le qualifiaient de mafieux) pour accéder aux magasins de disque, un système de « payola » pour faire tourner les chansons à la radio qui avait le droit divin de faire exister ou non un artiste. La répétition faisait le reste. Bien sûr, le talent perçait souvent. Mais pas tout le temps. On a tous découvert que cette chanson des Beatles, des Rolling Stones ou d’Elvis avait souvent été écrite et interprétée bien des années auparavant par un artiste souvent resté dans l’anonymat et dont l’industrie ne voulait pas nécessairement.

Pourquoi parler de musique me dites-vous? Parce que maintenant depuis le bouleversement majeur qu’a subi l’industrie depuis Napster avec en parallèle le fait que les artistes peuvent enregistrer leur musique de chez eux avec des moyens « humains », la musique a complètement changé. Bien sûr il existe encore des vestiges du siècle dernier que sont les cies de disque et des artistes poussés par l’establishment culturel, mais de l’autre il est de plus en plus difficile pour tous de « s’asseoir sur son steak » parce que les modèles classiques de distribution sont complètement changés. Or que doit faire l’artiste pour que vous achetiez son produit? Il doit attirer votre attention dans cet univers qui, je vous le rappelle est de plus en plus bruyant. Il fera des vidéos Youtube, il ouvrira les portes de sa vie privée pour les voyeurs en nous, il fera des déclarations oùil se placera en guerrier de la justice sociale, il criera fort qu’il est choqué parce qu’il sait que les médias le reprendront (parce que ça fait de la nouvelle et une controverse bon marché) etc…

Nous voici donc dans le pourquoi de l’hyperbole.

Il y a un certain temps, le savon-lessive lavait. Ensuite, ils ont amélioré la formule, par après ils y ont ajouté les granules bleues antitaches, après coup il a lavé plus blanc que blanc (c’est quand même pas rien) subséquemment il y a eu l’extra, l’hyper… l’ultra blanc oxy-propre.

Donc, quand on revient dans le domaine des idées bien que nous n’ayons pas de savon à vendre, les propriétaires de médias doivent attirer l’attention. On aura compris que la famille Desmarais ou les Péladeau ici au Québec, mais la même logique s’applique à Jeff Bezos (Washington Post) ou à Mike Bloomberg (Bloomberg) ou la famille Bouygues (TF1) etc.. Sont propriétaires de médias non pas par magnanimité, mais bien parce que cela leur achète de l’influence nécessaire à leur prospérité. D’autant plus que leur prospérité respective est tributaire de leur proximité avec le gouvernement. On aura donc compris pourquoi ils tiennent tant à garder cette capacité d’influencer et de faire ou défaire les gouvernements.

Par exemple nous avons bien vu aux États-Unis combien certains médias traditionnels et sociaux bien identifiés ont livré une guerre hystérique et sans merci au président Trump mettant de côté toute impartialité parce qu’il représente pour eux (particulièrement pour Facebook, Google et Twitter) un péril existentiel, car il remet fortement en cause la protection dont ils disposent grâce à la section 230. La section 230 est cette partie de la loi qui les met à l’abri des poursuites, car ils se définissent comme une plateforme de distribution et non un éditeur. Mais vu qu’il a été prouvé qu’ils se sont mis à censurer du contenu (particulièrement et quasi exclusivement républicain et de droite), ils agissent comme éditeur et ne peuvent plus bénéficier de 230 ce qui veut dire en concret c’est que leur arrogance les a rendus passibles de poursuites au même titre qu’un journal papier qui publierait un texte diffamatoire envers un individu. Une telle entreprise ne peut pas avoir le beurre, l’argent du beurre et le cul de la crémière (oui je sais, plaignez-vous aux français ou écrivez à Patrick Lagacé si vous n’aimez pas l’expression)

Nous assistons donc ces temps-ci à une sorte de guerre des médias qui s’arrachent donc votre attention et donc quand l’attention de 2000 cas par jour au Québec ne suffit pas, il y a une immunité collective à la nouvelle, on trouve des astuces pour vous faire lever les yeux. Par exemple plus de 6000 CAS… en trois jours. Plusieurs ont sursauté en voyant cette nouvelle, mais certains ont aussi senti le sensationnalisme derrière.

En 1978, le publicitaire québécois Jacques Bouchard publiait le fameux livre Les 36 cordes sensibles des Québécois, une analyse de l’identité sociale des Québécois francophones basée sur leurs habitudes de consommation. Depuis sa parution, cet ouvrage a servi de guide et a donné le ton à toute l’industrie publicitaire québécoise.

Sans vous en faire tout le détail quelques éléments de cette œuvre m’ont marqué dans le récent discours public. Dans notre racine terrienne, nous avons la finasserie, dans la racine minoritaire nous avons la corde de l’envie et celle du potinage. Dans notre racine catholique nous avons la corde de l’hédonisme et celle du scepticisme. Dans notre racine latine nous avons le besoin de paraître et finalement dans la racine française nous y trouvons l’individualisme et la vantardise. Mélangez tout cela ensemble et vous avec un vrai débat ?

Trêves de plaisanteries, c’est très clair à la lecture des médias et de ce qui est très fortement partagé sur les réseaux sociaux est inclus là-dedans. Opposez besoin de paraître et potinage et vous avez l’essentiel des manchettes des derniers jours sur les « COVIDIOTS » et les « TOURISTATAS » . Soyez assurés d’avoir des heures et des heures de plaisir sur les réseaux sociaux. Mélangez finasseries avec scepticisme et individualisme et vous aurez à mesure que l’on fait monter les enchères de l’hyperbole, tous les ingrédients pour vous fabriquer votre Alexis Cossette-Trudel intérieur et partir à la chasse à la « DICTATURE SANITAIRE » des TYRANS PÉDO-SATANISTES » qui nous gouvernent.

Le problème avec cette utilisation quotidienne des hyperboles c’est que nous devenons insensibles à ces discours et quand la situation est réellement grave ou quand le gouvernement dépasse largement son mandat nous perdons tous nos repères. À un point ou les voix raisonnables que ce soit celles de la science ou celles des politiques publiques ne se font plus entendre dans tout ce capharnaüm.

Quand quelqu’un de nature curieuse se ferme la gueule parce qu’invariablement elle se fera traiter soit de conspirationniste par les uns ou de collabo par les autres, on sait qu’il y a une atmosphère d’hystérie et que la raison est mise de côté. Il n’y a, de notre vivant, jamais eu autant besoin de pensée disruptive qu’aujourd’hui. Mais sans tomber dans la religiosité et ce peu importe nos croyances, nous n’avons jamais autant eu besoin de valeurs unificatrices et apaisantes dans ce monde secoué.

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